Psychanalyse des contes de fées

Publié le par le hérisson

Tout commence (ou plutôt continue) lorsque The great mister E fait un article sur les contes de Perrault qu’il redécouvrait à l’époque !… ici
Ce petit article a réactivé une furieuse envie de relire des contes de fées dont j'étais un grand lecteur pendant l'enfance. J’ai donc relu plusieurs contes d’Andersen et surtout, j’ai acquis l’intégrale des contes de Grimm l’année dernière  que je me suis fait un plaisir de dévorer…

C’est donc assez naturellement que j’ai acheté la semaine dernière ce fameux livre de Bruno Bettelheim dont j’avais souvent entendu parler mais que je n’avais jamais lu.
Ce livre, comme son titre l’indique propose une interprétation psychanalytique des contes de fées. Alors bien sûr, il est question de stade oral, de problématique œdipiennes, de ça, de moi et de surmoi. Cela pourrait à priori rebuter le lecteur non sensibilisé à la matière mais à vrai dire, je n’y connais pas grand-chose et je n’ai pas été gêné. Le livre est assez simple pour être abordable par n’importe quel lecteur.

Il est divisé en deux grandes parties.

- La première partie est plus générale. Elle explique ce qu’est un conte de fées (en le distinguant par exemple de la simple histoire, de la fable ou du mythe) et s’attache à démontrer leur intérêt pour l’éducation, la formation de l’enfant. Elle démontre comment les contes de fées peuvent aider les enfants à grandir, à puiser dans leurs imaginaires pour mieux affronter des problématiques biens réelles ou désamorcer des conflits internes. Elle montre tout simplement comment les contes arrivent à transmettre de manière simple des messages important à l’enfant. Les contes disent qu'il faut franchir des étapes, qu'il faut parfois subir des épreuves mais qu'elles sont nécessaires pour « passer à un stade supérieur d'humanité » «  Ils doivent être considérés comme l'expression symbolique des expériences les plus importantes de la vie »
Cette première partie explique aussi pourquoi il est important que ces histoires se passent dans un « pays imaginaire », pourquoi il est important que les méchants soient punis et pourquoi il faut des fins heureuses

- La deuxième partie décortique plusieurs contes parmis les plus connus. Jeannot et Margot (Hansel et Gretel) incite à dépasser le stade oral et le principe de plaisir immédiat. Le petit chaperon rouge traite de la sexualité des jeunes filles. Jack et le haricot magique de l’affirmation de la virilité des garçons. Blanche-Neige touche aussi de la sexualité des jeunes fille mais sous un angle plus oedipien du fait de la présence de la méchante belle mère etc…
Toute la symbolique freudienne est appliquée aux contes: La perche aux haricot est bien évidemment un symbole phallique. Le chaperon rouge est un « symbole du transfert prématuré de séduction sexuel ». La pantoufle de cendrillon symbolise ... son vagin ! Etc ... C’est assez amusant.

En prime, le livre permet de replacer les contes de fées dans « leur histoire ». Il les mets en perspective et permet d'en découvrir d'autres versions plus anciennes. On découvre des déclinaisons multiples de beaucoup de contes très connus qu'elles soient italiennes, écossaises, mais aussi chinoises ou égyptiennes. Dès lors, on prend conscience de l'universalité des thèmes qu'ils abordent et par la même leur profonde humanité. Les notes de fin de livres contiennent beaucoup de références des plus intéressantes…

On soulignera au passage que les contes de Perrault n'ont pas vraiment les faveurs de Bettelheim: trop modifiés et ironiques par rapport aux « contes classiques » parce que destinés à être lus à la cour de Louis XIV. Ils perdent en partie l'intérêt des contes transmis depuis des siècles et qui donnent symboliquement aux enfants les clefs nécessaires à leur développement.

Au final, on ne voit plus vraiment les contes de la même façon. Pourtant loin de les désacraliser ou d’anéantir la magie qu’ils contiennent, ce livre incite à les aimer encore plus. C’est un véritable plaidoyer en faveur des contes de fées, assez convaincant même si certaines interprétations peuvent paraître excessives ou s’il peut contenir quelques incohérences par moments. Psychanalyse mis a part, la simple relecture de certains contes par le biais de symbole est plutôt ludique et fait vraiment passer un bon moment…

Bref, ce livre doit vraiment être lu si vous aimez de près ou de loin les contes de fées…

Publié dans Feuillage

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G
Je ne suis pas tout à fait d'accord pour dire que dans beaucoup de contes le héros n'est pas forcément fort ou intelligent. Je cherche mais la plupart des héros le sont ! Le petit Poucet est malin, les princes sont beaux et vaillants, Riquet à la houppe est intelligent, etc. Les filles, elles, sont morales, pudiques, humbles, etc. En ce qui concerne le petit Chaperon rouge, je crois qu'il n'est pas absolument nécessaire de la sauver. Les enfants sont susceptibles de s'identifier à tout. Je pense qu'une partie d'eux-mêmes s'identifient même au loup, et que cela leur permet aussi d'assouvir le fantasme de la position du méchant, du sauvage, etc. Mais quoiqu'il en soit, on n'est pas censé expliquer à un enfant, ni même tenter de vouloir comprendre, pourquoi il/elle aime un conte et veut l'entendre encore et encore. Et comme tu le dis, c'est même valable pour les adultes. Donc, pourquoi se soucier de la fin ? Si elle ne plaît pas à l'enfant, il/elle le dira assez.Tu faisais remarquer que Perrault est plus sensible à la mode de son temps (ironie, contexte...), mais toute oeuvre est marquée par son temps. Cela me fait penser aux faussaires des années 1920 qui peignaient des toiles médiévales. A l'époque, on y croyait. Mais aujourd'hui, on identifie la chose tout de suite : on est toujours inconscients de son époque. Perrault n'est pas plus libre que d'autres.Enfin, oui bien sûr, il faut prendre le livre pour ce qu'il est susceptible d'apporter, et laisser de côté les aberrations où il s'égare. Tant pis pour la psychanalyse. Mais cela dit, moi aussi j'adore les contes. Et homo pour homo, la Belle au bois dormant m'a profondément marqué ! Moi aussi j'aurais bien voulu attendre que le prince charmant vienne déposer un baiser sur mes lèvres dans mon lit !
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L
<br /> Dans certains contes de Grimm, le héros n'est pas toujours très futé. quelque fois il résout une quête, souvent aidé par des animaux et il devient plus futé, ou bien il reste idiot et est puni.<br /> Dans la première catégorie on peut mettre: histoire d'un qui s'en alla pour apprendre le tremblement, dans lequel le héros est décrit comme un être stupide et qui ne comprend rien<br /> contrairement à son frère qui est intelligent .. idem pour les trois langages, le héros est d'abord stupide - idem pour la reine des abeilles... idem pour les trois<br /> plumes, le cadet est appelé le benet...<br /> dans la deuxième catégorie: Jean le finaud par exemple, qui tout au long du conte ne comprend rien à rien et perd les faveurs de Margot, sa fiancée.<br /> <br /> Par ailleurs un autre conte où le garçon n'a pas forcémment le beau rôle : frérot et soeurette, dans lequel frèrot est tout à fait inconséquent et c'est soeurette qui est plus<br /> avisée...<br /> <br /> Un conte dans lequel la fille est intélligente et fini par épouser et ré-épouser un roi: l'intelligente fille du paysan<br /> <br /> --<br /> <br /> oui c'est vrai, au fnal , c'est l'enfant, qui décide quel conte il préfère entendre, quelle qu'en soit la fin.<br /> je n'avais pas pensé au fait que l'enfant puisse avoir envie de s'identifier au grand méchant loup ! mais pourquoi pas au fond !!<br /> <br /> <br />
G
J'avais lu ce livre pour préparer un examen qui portait notamment sur les Contes de Perrault. J'étais nettement moins enthousiaste que toi, j'étais même plutôt révolté...Je me permets donc de faire quelques remarques sur ce livre.- style accessible, mais tout est ramené à la psychanalyse. Il me semble par exemple que c'est aller un peu loin que de comparer le soulier de Cendrillon à son vagin...- Bettelheim nie la pertinence des critiques féministes. Il affirme que la dualité passivité / activité ne peut pas être appliquée respectivement aux femmes / aux hommes. D'abord parce que les enfants peuvent s'identifier aux deux sexes (là ok, il a raison), mais surtout parce, je cite :"étant donné la multitude des contes de fées, on peut penser, sans grand risque de se tromper, qu’il y a autant de héros qui volent au secours de leur bien-aimée que d’héroïnes qui montrent la même détermination et le même courage en sauvant leur prince charmant." (p. 336, dans mon édition en tout cas)Le problème c'est que comme par hasard, il n'en a aucun à citer... et aucun de ce type n'est connu... La critique féministe n'est donc pas si infondée. Et son approche ni plus ni moins critiquable qu'un point de vue psychanalytique. Chaque lecture a ses forces et ses faiblesses.- Bettelheim conçoit, en bon psychanalyste, "l'autre" comme forcément de l'autre sexe. Le but des contes serait selon lui le plein épanouissement pour arriver au mariage... institution hétérosexuelle s'il en fut. Alors certes les contes ne prenaient peut-être pas en compte l'homosexualité, mais une lecture moderne ne devrait pas s'en dispenser.- enfin Bettelheim est très dur avec Perrault, allant jusqu'à lui reprocher de nuire à la logique du conte. Si l'auteur a introduit par exemple la citrouille de Cendrillon, et si ce motif est devenu si populaire, c'est bien qu'il répond à une attente de celles et ceux qui lisent les contes... donc Bettelheim ferait mieux de l'intégrer à sa réflexion plutôt que de la repousser.Autre exemple : Bettelheim préfère la version des frères Grimm que celle de Perrault concernant le Petit Chaperon rouge, parce qu'elle est sauvée chez les Grimm. Il oublie que Perrault s'est attaché à montrer le caractère définitif et violent du passage à l'âge adulte...Désolé pour ce commentaire très grognon. J'ai puisé dans mes notes anciennes mes principales remarques. Mais je ne crois pas du tout à la psychanalyse en général.Dernière remarque : la traduction française est très mauvaise. Le titre original était "The Uses of Enchantement". Dans ma version, "Hansel et Gretel" devenait même : "Jeannot et Margot"... tentative d'annexion francisisante d'un conte tout germanique.
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L
<br /> Révolté ! Tant que ça ? Le terme me paraît assez fort quand même !! Mais tu sembles être un garçon assez passionné non ?<br /> <br /> Je suis loin d’être un ardent défenseur de la psychanalyse. Je ne me suis pas offusqué de l’orientation toute psychanalytique du livre puisque c’était pour moi un postulat de départ: Le livre<br /> propose une interprétation des contes par ce biais. Je pense que l’on peut s’amuser des interprétations psychanalytiques qui sont toujours riches en symboles. C’est cette grille de lecture que j’ai<br /> trouvé intéressante. En effet, comme je l’écris dans l’article, certaines interprétations peuvent paraître excessives (la pantoufle vagin est un bon exemple !!), il n’en demeure pas moins qu’elles<br /> sont très ludiques à mon sens… Et je crois malgré tout, même s’il faut relativiser les choses, qu’elles disent une certaine vérité et qu’elles peuvent éclairer sur le sens et l’utilité de certains<br /> contes. Cela ne signifie pas bien sûr que ce sens doit être pris pour LE sens à donner. Mais le livre a au moins l’intérêt de dire : les contes ne sont pas de simples histoires pour enfants. Ils<br /> disent autre chose. Ils ont du sens au-delà du coté féerique.<br /> <br /> Je connais peu la critique féministe des contes de fées. J’imagine qu’elle tend à considérer que les contes présentent une vision machiste de la société où la femme est réduite à l’état de jeune<br /> fille un peu simplette toujours sauvée par le prince charmant et dont la seule perspective est de faire un bon mariage et de devenir une femme aimante et dévouée.<br /> On ne peut pas nier cet aspect là des contes de fées. Ils sont l’expression d’une vision de la société classique qui provient du fond des âges et on peut évidemment regretter cet aspect là des<br /> choses. Cependant comme tu l’indiques, les enfants peuvent s’identifier aux deux sexes.  Une petite fille pourra s’identifier à un héros masculin des contes où ceux-ci tiennent le rôle<br /> principal, et je connais des tas de garçon qui ont rêvé et rêvent toujours au prince charmant. ;-)<br /> On pourra aussi noter que dans beaucoup de contes, le héros masculin n'est pas forcément très fort ou intelligent, pas forcément plus valorisé que les filles...<br /> Pour ce qui concerne des contes qui renverseraient les rôles, en effet, il n’y a pas de contre exemple à part la référence au mythe de Cupidon et Psyché mais qui n'est pas très probant (p340 de mon<br /> édition même passage que le tient). On pourrait éventuellement considérer Hänsel et Gretel dans lequel c’est Gretel qui sauve Hänsel des griffes de la méchante sorcière cannibale en la jetant dans<br /> le four.<br /> Comme je l'ai indiqué dans mon billet, le livre de Bruno Bettelheim n'est pas exempt d'incohérences...<br /> En effet, l'homosexualité n'est par ailleurs jamais abordée. Bon courage à celui qui saura faire une interprétation des contes traditionnels sous cet angle. Cela dit, ce serait certainement très<br /> intéressant ! ( la chose a déjà été faite par un auteur allemand pour ce qui concerne les contes d'Andersen mais c'est dans ce cas beaucoup plus facile – je ne me souviens pas du nom de l'auteur<br /> malheureusement)<br /> <br /> La question du coté traditionnel et machiste des contes est réelle. Malgré cela, l’affection que je leur porte m’empêche de les condamner et de les remiser au placard pour ce simple prétexte. Ils<br /> parlent de l’humanité et de ses problèmes les plus profonds et par ailleurs ils entretiennent une part d’imaginaire nécessaires aux enfants, et aussi aux adultes qui comme moi ont conservés un<br /> bonne part d'enfance. Cela dit, je serais ravi de lire de nouveaux contes plus féministes qui attribuent des rôles plus équilibrés aux deux sexes :-)<br /> <br /> <br /> Bettelheim est en effet assez dur avec Perrault. Notons cependant qu’il ne nie pas son talent littéraire. Il lui reproche d’anéantir l’intérêt du conte, parce qu’ils contiennent beaucoup d'ironie,<br /> des éléments temporels (le collet monté de la belle au bois dormant par exemple) et aussi parce qu’ils sont suivis d’une morale, ce qui ne permet pas à l’enfant de tirer tous les bénéfices<br /> inconscients du conte. Les contes de Perrault  peuvent être comparés à une simple leçon donnée à un enfant par un adulte.<br /> Par exemple, concernant le petit chaperon rouge et le caractère définitif et violent du passage à l’âge adulte dont tu parles : le petit chaperon rouge est dévoré et l’histoire s’arrête comme<br /> ça.  Caractère définitif du passage à l'âge adulte ? La morale du conte est plutôt , pour résumer: les jeunes filles doivent se méfier des séducteurs sinon gare !! On se situe bien là dans une<br /> mise en garde, une leçon donnée par l’auteur. Bettelheim trouve que cela peut-être problématique dans la mesure où cette fin ne rassure pas l’enfant, ce que devrait faire un conte, en tout cas dans<br /> la définition qu’il en donne.<br /> Dans la version des frères Grimm, l’intervention du chasseur permet de rassurer l’enfant. Bettelheim indique que ce conte à une dimension sexuelle. Celle ci me semble évidente.(c'est d'ailleurs<br /> aussi le sens qu'en donne clairement Perrault !) Le loup séducteur dévore la petite fille prématurément affublé d’un symbole sexuel: le chaperon rouge. Finir le conte en disant que le loup dévore<br /> la petit fille sans indiquer qu’il y a une possibilité de résilience peut-être choquant pour l’enfant. En tout cas je crois que le point de vu se défend d'un point de vu psychanalytique et c'est<br /> bien l'objet du livre. <br /> <br /> Pour ce qui concerne Cendrillon et la citrouille, Bettelheim ne la traite pas mais il écrit un peu sur le rat/cocher et les lézards/laquais mais je te l'accorde, pas vraiment de façon<br /> convaincante.<br /> Toujours sur ce conte, note au passage qu'il montre comment la Cendrillon de Perrault est passive par rapport aux évènements au contraire de celle des frères Grimm qui est plus active même si dans<br /> les deux cas, il s'agit au final de rencontrer le prince charmant.<br /> <br /> Malgré les critiques de Bettelheim, cela ne m’empêche pas de beaucoup apprécier les contes de Perrault qui me semblent mieux «écrits» et emprunts d'un charme tout particulier qui manque peut-être à<br /> ceux des frères Grimm ...<br /> <br /> Pour ce qui concerne la traduction en français de Hänsel et Gretel par Jeannot et Margot, elle est en fait assez «classique» en tout cas en France. Par exemple, ma version intégrale des contes de<br /> Grimm (chez Flammarion – grand format) propose la même traduction. On retrouve cette francisation des noms dans beaucoup d’éditions…<br /> On peut trouver cela regrettable en particulier dans ce cas où on a seulement à faire à de simples noms propres. Dans d’autres, cela peut bien-sûr se justifier, quand la dénomination à un sens<br /> spécifique comme pour Cendrillon ou Raiponce...<br /> <br /> <br /> Bref, il est vrai que le livre de Bruno Bettelhein n'est pas parfait et qu'il y a des manques. Il propose une interprétation psychanalytique des contes qui peut être contestable en particulier si<br /> l'on adhère pas aux thèses défendues par cette discipline. Il n'en demeure pas moins qu'il peut aussi être vu comme un livre assez ludique de mise en perspective des contes. C'est dans cet état<br /> d'esprit que je l'ai lu. <br /> <br /> <br /> Pour finir, pas besoin de te désoler de ton commentaire, au contraire, c'est bien d'avoir un peu de contradiction aussi !<br />  Et puis ça donne un peu de vie à ce blog ! ;-)<br /> <br /> <br />
Q
Merci beaucoup pour cette découverte. Je ne connaissais pas cet ouvrage et je crois que je vais me le procurer prochainement :)
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L
<br /> Pas de quoi !!<br /> A vrai dire je suis assez content que ce billet suscite l'envie de lire ce livre chez quelqu'un ...<br /> <br /> <br />